Les liens de la Solidarité et de la Culture Corse-Maroc

Cette initiative qui s’est déroulée du 15 au 24 avril 2007, dans la région du Rif, sa capitale Al Hoceima, mais aussi dans les communes rurales de Bni Gmil et Bni Bouffra a emmené huit personnes de l’association Per a Pace Pascale Larenaudie, Mounira Dib, Jacques Casamarta, Christian Micheli, Alain Fontana, Eric Cullieret, Julien Casamarta et Johan Peccinelli. Le convoi composé d’un Poids lourd, d’un fourgon et d’un minibus.

Cette action a été menée conjointement avec le Festival Transméditerranée pour la troisième fois dans ce pays depuis février 2006.

C’est dans un contexte particulier, au lendemain des deux attentats perpétrés au centre de Casablanca, que cette action s’est développée. Cinq jeunes Marocains « Kamikazes » s’étaient fait exploser, n’occasionnant heureusement que quelques blessés légers dans la population civile. L’Algérie était elle-même victime durant cette semaine d’actes de terrorisme ceux-là meurtriers. Plus de 30 civils ont ainsi trouvés la mort dans deux attentats à la voiture piégée. Dans les deux pays, l’Algérie et le Maroc la revendication émanait de la branche Maghreb d’Al Quaïda. On peut comprendre l’inquiétude des populations face à ce déferlement de violence.

Une violence caractérisée

Les très nombreux barrages policiers et douaniers à la sortie du port de Melilla-Nador au Maroc sont la preuve d’une atmosphère tendue du fait des récents évènements, mais aussi par la présence d’une population marginalisée. C’est en effet dans cette ville que transitent ceux que l’on nomme les « clandestins » et qui sont prêts à tout pour rejoindre ce qu’ils croient être un « Eldorado », l’Europe.

La violence semble à Melilla permanente; c’est tout au moins ce que nous avons pu constater au travers de deux situations vécues.

La première à notre arrivée, à la sortie de la ville de Nador à un « poste contrôle » ou nous avons vu jeter à terre et rouer de coups plusieurs personnes sans distinction de sexe et somme toute considérées comme « marginales » par les forces de l’ordre.

La deuxième lors de notre retour, dans la zone portuaire, avec deux tentatives de passages clandestins, via notre poids lourd, une personne s’étant glissée sous le véhicule et l’autre s’étant introduite à notre insu dans le camion en se faufilant sous la bâche.

Ces personnes, souvent très jeunes, nous ont paru en totale désespérance et posent le problème de la pauvreté mise en exergue ici par un dénuement total. La question d’une meilleure répartition des richesses dans le monde est aujourd’hui posée et nécessite une réelle et urgente prise en compte par les gouvernements des pays dits « riches » des souffrances des populations des pays du Sud.

La fracture sociale taraude les sociétés

Cette pauvreté est aussi le quotidien d’un grand nombre de marocains, ce qui nous sera confirmé lors de nos échanges à Al Hoceima et plus largement dans le Rif, avec des associations qui œuvrent sur le terrain pour réduire souvent avec de faibles moyens, la fracture sociale. Une première rencontre avec le monde associatif en octobre dernier nous avait permis de faire connaissance et d’apprécier la vitalité et l’activité de ces associations nées pour la plupart du séisme de 2004.

Cette fois ci, nous avons voulu poursuivre et aller plus loin dans la démarche en suscitant une réflexion commune sur des questions de société. Nous avons pu ainsi dialoguer avec une vingtaine d’associations dans la nouvelle salle du conseil municipal d’Al Hoceima. Très vite, même si les situations sociales, entre nos deux pays, sont différentes, nous sont apparues certaines similitudes dans les problématiques, les questionnements et les réflexions : condition de la femme et de l’enfant dans la société,  égalité entre hommes et femmes, droit au travail, droit au logement, alphabétisation dans le monde rural et les quartiers défavorisés, développement durable, environnement et propreté de la ville… mais aussi des questions plus générales en rapport avec l’identité et la culture méditerranéenne, les liens entre la Corse et le Maroc… Plusieurs personnes ont lié leurs actions à la nécessité d’œuvrer pour la Paix.

La quasi-totalité des femmes portent aujourd’hui le foulard dans le Rif, caractérisant probablement une certaine pression de la société. Pourtant de nombreuses associations sont dirigées par ces dernières et sont particulièrement actives dans le domaine de l’enfance, de la protection de la femme et de la citoyenneté. Leur rôle est devenu primordial.

Une Corse solidaire.

Cette initiative de rencontres et d’échanges a permis de donner un sens encore plus fort aux actions de Per a Pace en développant une solidarité avec plusieurs associations de la ville d’Al Hoceima : AMADA pour le développement et l’alphabétisatio n qui décline son activité en permettant aux femmes et aux enfants d’accéder à l’apprentissage de la lecture dans les milieux les plus reculés des campagnes ainsi que dans les quartiers les plus défavorisés ; c’est aussi l’ouverture d’un centre de jeunes filles en ville qui donne la possibilité à ces dernières de continuer leurs études en leur offrant des conditions d’hébergement inaccessibles autrement à leurs familles. AEO Accueil, Ecoute, Orientation qui apporte un soutien psychologique aux femmes isolées, battues, violées, une aide scolaire aux enfants de la ville, mais aussi de plusieurs douars de la région. Son leitmotiv « ne jamais attendre d’avoir les bonnes conditions, elles peuvent ne jamais arriver » . L’Union Nationale de Femmes Marocaines, qui s’occupe de l’accueil de jeunes enfants en crèches. L’association Ayouma qui intervient dans le domaine de l’éducation et de l’animation pour jeunes enfants et adolescents. Sa dernière initiative qui concernait la propreté dans la ville s’est organisée autour d’exposés dans les quartiers et de rencontres avec les habitants.

Le matériel déposé pour ces quatre associations provenait de l’école de la commune de Pietrosella. Les livres donnés par la bibliothèque départementale de prêt d’Ajaccio ont rencontré quant à eux un vif succès, d’autant qu’ils sont particulièrement difficiles à trouver.

Nous avons pu également visiter et déposer à l’Institut de Technologie Appliquée du matériel de maçonnerie provenant du Lycée Jules Antonini d’Ajaccio. Cet établissement créé en 1988 accueille 847 élèves répartis en 4 niveaux et dispose actuellement de 7 filières techniques (bois, mécanique, électricité, construction, plomberie, peinture et couture)….

Dans le rural, à Bni Gmil , l’association a poursuivi son action déjà engagée en octobre dernier ou nous avions participé à la création d’une bibliothèque au sein de l’école. 2500 ouvrages, presque essentiellement dédiés à la jeunesse, ont constitué la dotation. Cette fois ci il s’agissait d’installer des ordinateurs en réseau et d’équiper en mobilier scolaire trois salles de classe de cette école. C’est la commune de Pietrosella qui a encore ici largement contribué à cet équipement. Deux fauteuils pour handicapés ont été déposés au petit dispensaire du village et en marge de cette action, une table d’accouchement a été remise au centre médical de Bni Bouffra .

Culture sans frontières.

Cela fait quinze années maintenant que l’association Per a Pace lie solidarité et culture. Il s’agit là d’une approche atypique, vecteur d’amitiés immédiates.

Le projet culturel développé cette fois ci par Per a Pace s’est articulé autour de l’expression musicale et du dessin avec Julien du groupe Spartimentu et Mounira artiste peintre.

 

La musique est un formidable outil de rapprochement et nous avons pu le constater avec la rencontre entre Mehdi, jeune percussionniste marocain et Julien. Ils ne se connaissaient pas mais très vite le langage musical les a liés. Ils ont pu ainsi intimement fusionner les consonances Corses à celles du Maroc pour offrir au public une musique pleine de vie et de chaleur. C’est à Bni Gmil et à Al Hoceima qu’ils se sont produits devant de nombreux jeunes enthousiastes.

Mounira, quant à elle, a tout au long du voyage essayé de saisir l’instantané et l’émotion des rencontres à travers ses dessins qui donneront lieu à une exposition.

Début 2007 : 3 actions – 3 pays

Depuis le début de l’année 2007, l’association Per a Pace a mené trois actions dans trois pays du monde. En Pologne, en février, dans le cadre d’un travail de mémoire sur les sites d’Auschwitz et Birkenau avec 30 jeunes des lycées Fesch et Laetitia d’Ajaccio, en Macédoine au cours de ce mois d’avril, avec 15 jeunes élèves infirmiers dans l’orphelinat et l’hôpital de Bitola et enfin avec au Maroc. Concernant ce dernier pays, une très prochaine initiative permettra d’emmener un bus de 38 places offert par le club de sport nature, Cors’aventure, et destiné aux associations de la ville d’Al Hoceima.