Vendredi 18 avril 2003 :
Départ d’Ajaccio : 19h00
Le camion, chargé de 65 lits, matelas et literie complète, conduit par Jean Michel, accompagné de Gérard, est déjà parti depuis deux heures quand les deux voitures partent à leur tour, avec à leur bord le reste de l’équipe. Il est 19 heures, l’aventure commence pour Patricia, Vanessa, Lucien, Dominique et Gérard qui partent en Macédoine pour la 1ère fois. Nous rejoignons Bastia où nous prendrons le bateau pour Livourne dès le lendemain matin. Une petite halte à Vivario, nous permet d’acheter de la bonne charcuterie, afin de pouvoir offrir à nos amis macédoniens quelques saveurs de Corse.
A mi-chemin, Alain nous appelle, la compagnie maritime qui assure les passages entre l’Italie et la Grèce nous informe qu’elle ne peut assurer le passage du camion au départ de Brindisi.
De là commence un va et vient téléphonique. Roland et Jean Luc qui sont nos relais, essayent de contacter d’autres compagnies pour résoudre au mieux ce problème. A Bastia, César et Roland nous attendent, nous mangeons ensemble. Nous n’avons toujours pas résolu notre problème de passage en Grèce. Plusieurs options sont envisagées, un départ par la route en passant par le Nord avec le passage des frontières slovène, croate, serbe et macédonienne nous semblent une solution quelque peu hasardeuse car jamais pratiquée jusqu’à présent. Un départ par Ancone (Italie), nous semble plus adapté mais nous ne sommes pas assurés du passage du camion. Notre souci est de ne pas se séparer. C’est à l’institution CCAS de Borgo que nous dormirons. Chacun se sépare alors en espérant être très vite au lendemain.

Samedi 19 avril 2003 :
Départ Bastia ? Livourne : 08h15
C’est au petit matin que tout le monde se réveille. Les bagages sont vite rangés dans les véhicules et le convoi s’ébranle vers la gare maritime. Le bateau part à l’heure et la traversée se déroule calmement. Nous savons qu’à notre arrivée, les km nous attendent. A Livourne, notre décision est prise, c’est à Ancone que nous tenterons notre chance pour arriver à faire passer le camion en même temps que les véhicules. La circulation italienne, en ce week-end de Pâques, est dense et précipitée, l’embranchement pour Bologne échappe à la vigilance de deux de nos conducteurs. Petite panique, mais heureusement le téléphone portable va ici jouer un rôle important. Très vite, tout le monde est localisé et nous nous retrouvons soulagés. Le temps presse, nous aimerions arriver avant la fermeture des bureaux des agences maritimes. Après s’être mis d’accord sur le trajet à suivre, le 1er véhicule décide de filer (sans excès) pour pouvoir régler les formalités à temps. Les beaux paysages d’Italie animent notre trajet.
C’est aux alentours de 18h30 que nous arrivons à Ancone.
La gare maritime est facile à trouver, mais les bureaux sont déjà fermés. Nous pouvons quand même visionner sur des écrans les heures de départ des bateaux. Trois traversées, pour Igoumenitsa sont prévues, à 13h30, 16h30 et 17h00. Les billets doivent être retirés au comptoir quelques heures avant. Nous décidons d’être dès 8h00, le lendemain, aux guichets. Nos compagnons de route nous ont rejoints. Autour d’un repas et après avoir trouvé un hébergement nous échangeons nos premières impressions. Nous sommes tous tendus vers un premier objectif, faire en sorte que les 3 véhicules fassent la traversée ensemble.

Dimanche 20 avril 2003 :
Départ Ancone/Igoumenitsa : 13h30 pour les voitures
17h00 pour le camion
Le lever est matinal et dès 8h30 nous sommes devant les guichets des différentes compagnies qui assurent la traversée vers la Grèce. La file d’attente est déjà longue. Deux guichets, un pour les véhicules de tourisme et passagers et un, uniquement pour les camions. Nous comprenons, au fur et à mesure, que le passage du poids lourd sera plus difficile que prévu. En effet, il faut attendre le passage des pré réservations de la veille pour savoir si une place est encore disponible. A 9h30 précise, les stores des bureaux se lèvent, les billets pour les véhicules légers sont vite pris, le départ aura lieu à 13h30. Pour le camion, rien n’est sûr. Patricia, subrepticement et toujours à la recherche d’un cliché, se glisse dans la file d’attente des « camionneurs », pour venir aux nouvelles. Un chauffeur lui fait comprendre par gestes qu’elle se trompe de file, « ici c’est les hommes ». C’est au prix de plusieurs allées et venues entre les différentes compagnies que nous réussissons à obtenir un passage sur un bate au qui partira à 17h00.
3 heures vont nous séparer à notre arrivée à Igoumenitsa mais nous sommes contents, nous assurons notre passage.
Une petite heure pour faire rapidement le tour d’Ancone, ville portuaire de l’Adriatique de plus de 120 000 habitants, qui a tous les atouts touristiques nécessaires à sa découverte.
Nous embarquons rapidement à bord d’un bateau de la Superfast, nous sommes surpris par le confort et les prestations offertes. Les cabines sont confortables et nous profitons de ce temps qui nous est imparti pour nous détendre et recharger car demain nous roulerons toute la journée. A terre, Jean Michel, Alain et Gérard vont attendre patiemment le bateau de 17h00. On se dit « A demain ».

Lundi 21 avril 2003 :
Arrivée Igoumenitsa : 5h30 pour les voitures (heure grecque)
8h00 pour le camion
La nuit de repos, tant attendue, aura été courte. Un petit décalage et une petite confusion au niveau des horaires nous a quelque peu perturbé. Dans la nuit, au loin, les côtes grecques se découvrent lentement. Nous débarquons dans une ville encore endormie. Un petit café, à un prix prohibitif, pour nous réveiller et nous décidons de prendre la route jusqu’à Ioanina où nous attendrons nos camarades. Patricia, notre photographe s’égare dans les ruelles, nous la retrouvons chez la seule personne à être réveillée dans cette ville, le boulanger, qui insiste pour qu’on le prenne en photo auprès de ses spécialités.
La route sinueuse, grimpe. Peu de camions, heureusement, la progression est facile. Le paysage est aride.
C’est aux alentours de 8h30, que nous arrivons à Ioanina qui nous révèle les charmes de ses ruelles aux petites maisonnettes de guingois, aux étals et aux bazars rutilants. Notre balade sera furtive car le temps nous presse et la route à venir n’est pas facile.
Aux alentours de 10h00, le convoi est à nouveau reconstitué, nous retrouvons avec joie, nos camarades qui ont effectué une bonne traversée. Il faudra 2 heures d’une route montagneuse où le camion peine à progresser pour faire notre halte devenue habituelle, tant elle est sympathique et chaleureuse, dans un petit restaurant placé là en bord de route, loin de toutes habitations. La propriétaire nous reconnaît et nous propose ses spécialités maison dont la fameuse soupe de chèvre qui aura marqué les esprits lors du dernier convoi. Ce bon repas nous remet d’aplomb, il le faut, car dehors la pluie commence à tomber. Elle ne nous quittera plus jusqu’à Bitola. C’est aux alentours de 18h00, que nous arrivons à Florina, ville frontalière. C’est toujours avec une petite appréhension que nous approchons la frontière, car c’est là qu’à chaque fois nous avons été retenus plusieurs heures, sans raisons apparentes.
La frontière grecque est passée sans encombre. Ce n’est pas le cas à la frontière macédonienne. Nos véhicules approchent. Après nous avoir fait avancé nous sommes sommés de faire marche arrière, de nous garer à l’écart et de rester dans nos véhicules. Seuls Jacques et Alain sont autorisés à accomplir les différentes formalités. Nous attendrons ainsi près de 5h00. Chacun s’interroge sur les difficultés rencontrées et sur l’accueil fait à une action de solidarité. Les raisons sont semblent-ils confuses. On nous expliquera vaguement qu’elles sont motivées par une lutte contre le marché noir. Soit, mais l’attitude des douaniers est loin d’être plaisante. Chacun de nous a su se montrer patient, les anciens ayant averti les nouveaux sur le comportement a adopté. C’est vers 23h30 que nous arrivons à Bitola, après avoir laissé, au passage, le camion dans la zone de transit où nous viendrons le récupérer dès le lendemain matin. Malgré notre arrivée tardive à l’hôtel, le personnel nous sert un repas. Chacun prend en suite possession de sa chambre. Là pour certains, commence la découverte d’une réalité économique particulièrement difficile.
L’hôtel de Bitola qui a certainement été à son époque un bel établissement est aujourd’hui, par manque de moyens et cela depuis quelques années maintenant, vétuste. Aucun renouvellement d’équipements sanitaires, de mobilier, d’installations électriques n’est plus effectué. Pour ceux qui viennent pour la première fois, la réalité qui se fait jour laisse pantois.

Mardi 22 avril 2003 :
Le programme de la journée est chargé, ce sera aussi celui de toutes les émotions. Jean François Saint Dizier, directeur de l’Alliance Française a fixé la cadence. Nous sommes six, dès 9h00 du matin, à nous rendre aux douanes pour les dernières formalités et pour récupérer notre camion. Ce n’est pas si simple, il faut encore discuter et s’armer de patience. Vers 12h00 enfin le véhicule est libéré. Nous nous rendons au théâtre de Bitola où Jean Marc Glenat de la Falep et Véronique Glenat, éducatrice spécialisée, qui sont arrivés deux jours plus tôt, travaillent avec un groupe de jeunes. Par le biais d’un atelier d’écriture, Jean Marc et Véro ont accompli la prouesse de faire s’exprimer de jeunes macédoniens et de jeunes albanais dans un travail commun. C’est la passion du théâtre qui les a réunis. Ils vont pendant 20 minutes nous jouer, sur le thème de la liberté, une petite pièce de théâtre. Ce qui nous a surpris, c’est leur enthousiasme et leur conviction. Leur simplicité, aussi, à nous aborder. Et enfin, la maîtrise de notre langue, qu’ils ne pratiquent que depuis deux ans. Nous nous donnons rendez-vous le soir même, à la maison des Armées où vont se produire Vanessa Cahuzac et Dominique Ottavi.
Il est 12h30 et nous devons nous rendre à l’hôpital de Bitola, destinataire des lits que nous amenons. Nous sommes d’abord reçus très officiellement par le directeur de l’hôpital et la Vice-consul. La presse est là. Une visite de l’établissement nous est ensuite proposée. Et c’est là que nous nous rendons compte à quel point les moyens manquent cruellement. Le directeur de l’établissement ne peut plus assurer les salaires du personnel d’entretien et l’hygiène laisse à désirer. Les lits datent de 1968, les draps sont déchirés, les déchets médicaux sont stockés dans des poubelles qui sont à proximité des chambres, les cuisines ne disposent pas de chambre froide, seul un congélateur assure la chaîne du froid. Le service pédiatrique semble offrir un aspect, quoique rudimentaire, convenable. Ici, la priorité est aux enfants. C’est catastrophé que nous sortons de l’hôpital. Nos lits sont les bienvenus et c’est tant mieux mais il y a tellement de choses à faire. Il est convenu que l’hôpital fera un inventaire de ce qu’il a besoin. Jean François Saint Dizier sera notre relais. Les conséquences de la guerre et ses répercussions sur l’économie du pays ont été désastreuses. Chacun de nous ressent cet abandon que la population vit au quotidien.
Nous retournons dans l’après midi sur Bitola, même si des images difficiles circulent leur tête, Vanessa et Dominique doivent se préparer pour la soirée qui débutera à 19 heures.
On le sait pour l’avoir déjà vécu, le public à Bitola est jeune et enthousiaste. C’est avec beaucoup de chaleur qu’il va écouter nos deux amis. Dominique, auteur compositeur interprète, accompagné de Vanessa, violoniste vont pendant plus d’une heure nous enchanter par des chansons qui sont aussi des contes enrubannés de cette belle musique produite par la cetera et le violon.
L’accueil est à la hauteur de nos espérances. La soirée va se poursuivre autour de la charcuterie et du vin que nous avons ramené de Corse. Les jeunes macédoniens vont nous entraîner dans leur danse et nous en apprendre les pas.
Après la visite de l’hôpital dans l’après midi, nous réalisons que la solidarité doit s’allier avec la culture. Par la culture, l’échange est toujours possible. Et ces personnes qui ont reçu ce qu’elles n’ont plus peuvent enfin donner un peu et sauver en quelque sorte leur dignité.

Mercredi 23 avril 2003 :
Bitola /Prilep
Avant de partir de Bitola (Monastir) vers Prilep, notre deuxième étape, nous nous rendons comme nous l’avions fait l’année précédente, au cimetière français de Bitola.
7000 soldats français de l’armée d’Orient (1916-1918), morts lors de la bataille de Negocani (Macédoine), y furent inhumés en 1921. Parmi eux, de nombreux corses. Sur une plaque commémorative, on peut lire « Morts pour la France et la Serbie ». Il nous a paru intéressant de nous pencher sur une partie et un lieu, somme toute méconnue, d’un grand nombre d’entre nous. Nous avons relevé, avec émotion, quelques noms propres de notre île, sur les croix alignées en rangs réguliers : Rossi, Santini, Luzi, … Le cimetière français de Bitola est un endroit entretenu avec extrêmement de soins, son gardien nous a toujours reçu avec beaucoup d’attention. Il nous a ouvert le registre qui répertorie tous les soldats inhumés en ce lieu avec leur bataillon où régiment d’appartenance.
C’est aux alentours de 13h00, que nous prenons la route vers Prilep. La campagne macédonienne se découvre. Aux abords de la ville, des cultures de tabac avec en arrière plan dans les montagnes, des entailles blanches provoquées par l’exploitation du marbre. Jean François Saint Dizier, notre guide, nous raconte qu’au XIVème siècle, le roi Marco constitua une chaîne humaine d’un côté à l’autre des 2 versants de la montagne pour construire sa citadelle. La chaîne humaine, ainsi constituée, devait charrier les blocs de marbre. 77 personnes moururent dont des enfants. Pris de remords, il fit construire dans la cité, 77 chapelles dont 2 existent encore.
Rapidement nous faisons le tour de la ville, le temps de découvrir une merveille architecturale, le monastère « Archange Mikaël » construit au XIème siècle. C’est à 18h30 que nous entrons en contact avec RCFM à Ajaccio. Patrice Antona, animateur de la radio, fait à l’occasion de notre voyage en Macédoine, un point radio en compagnie de Jacques, Dominique et Jean François.
Le temps presse et la soirée s’annonce. Dominique et Vanessa doivent se préparer. C’est toujours avec émotion que le groupe les accompagne. Nous faisons corps et nous vibrons ensemble au rythme de la musique et des chants. Invités, à cette occasion, des médecins de l’hôpital de Prilep demandent à nous rencontrer. Ils sont chirurgiens, radiologues, chercheurs…La demande est toujours aussi pressante. Les moyens manquent. L’aide est nécessaire. Nous leur expliquons notre démarche et ce que nous pouvons faire ou ne pas faire. L’importance que nous attachons à lier la solidarité et le culturel. Leur souhait est le même car ils ne veulent pas se retrouver dans un état de dépendance. Nous échangeons nos coordonnées. Nous prenons conscience de la nécessité de ces contacts pour pouvoir apprécier une situation impalpable de l’extérieur.
La soirée a du succès. Vanessa et Dominique sont applaudis chaleureusement. C’est de façon très conviviale que s’achève cette deuxième journée en Macédoine

Jeudi 24 avril 2003 :
Prilep /Skopje
C’est notre jeune guide, Zoran, rencontré la veille qui nous emmène au monastère « Archange Mikaël » pour une visite plus approfondie. Le paysage est magnifique. Nous entrons dans l’édifice du XIème siècle, véritable sanctuaire, par une monumentale porte d’entrée surmontée d’une très belle fresque comme nous en trouverons peintes à même la roche tout aux alentours du monastère. A l’intérieur, une sœur nous invite au silence. Derrière une porte, bien protégé, un puits, quelques marches et l’eau affleure, on devine aisément la roche en dessous. Le site est majestueux et nous découvrons là les richesses architecturales et environnementales que peut offrir la Macédoine. Zoran nous fera ainsi découvrir de très belles églises. Seul bémol à cette découverte, la précarité de ce patrimoine qui faute d’entretien et de protection se trouve détérioré petit à petit.
C’est en fin de matinée que nous prenons la route pour la capitale Skopje. Nous avons rendez-vous avec Branko Cobanov qui travaille au Centre Culturel Français. L’atmosphère de cette grande ville nous submerge. A la fois grande, bigarrée, moderne et archaïque. Nous nous rendons au Centre Culturel où nous prenons connaissance du programme de fin de journée. Nous faisons connaissance d’Aleksandar, jeune étudiant en DESS à Skopje qui se propose comme guide. Comme à Bitola, des enfants s’agrippent à nous avec obstination et réclament quelques pièces. Cette situation est difficile à vivre.
Une partie du groupe part se reposer, tandis que Lucien, Jacques et Pascale se rendent au cimetière français, qui se trouve à proximité de la citadelle. Les croix s’alignent, moins nombreuses qu’à Bitola mais toujours en rangs réguliers. Le site est entretenu avec soin et l’on peut y visiter un petit musée. Aleksandar nous parle alors de son souhait d’effectuer son stage de DESS en France, nous comprenons aussi qu’en Macédoine il lui sera difficile de l’obtenir. Nous lui promettons de l’aider.
C’est à 20 heures que débute au musée de la ville la soirée. La salle est pleine et un public de connaisseurs apprécie la musique et les paroles que leur offrent Vanessa et Dominique. C’est à cette occasion que Dominique, qui en avait déjà fait l’ébauche à Prilep, dédie au groupe une de ses chansons qu’il a quelque peu transformé