Compte rendu séjour solidaire

Afrique, Afrique noire, Burkina Faso, Ouagadougou, Bobo Dioulasso, Banfora, Sindou, Warzamé, Fara, Nanano, Nabou, Borri, Pobié…Un séjour à la découverte de femmes, d’enfants et d’hommes, d’une culture, d’un paysage, de vies. Une solidarité de tous les jours, une leçon d’humilité. Notre solidarité, nos moyens aux services des besoins vitaux, notre écoute, notre attention, notre respect.

Fina Tawa, association organisatrice de ce séjour solidaire, proposait, du 25 février 2009 au 8 mars 2009, à un groupe de dix personnes de découvrir un pays et une culture et par la même d’exprimer leur solidarité en participant à la mise en place d’un centre d’alphabétisation sur le village de Warzamé. C’était aussi assister à l’inauguration d’un forage dans le village de Borri financé par les associations Per a Pace, Fina Tawa et les Amis de Jean Marc Murracioli.

Le Burkina Faso à tout jamais dans nos cœurs, qui aura laissé une trace indélébile et des promesses de retrouvailles. Des amis laissés là-bas et un devoir pour nous de relayer leurs difficultés, de faire connaître la grande injustice qui les frappe avec notamment le remboursement, au niveau du pays comme pour d’autres pays africains, d’une dette dont nous ne pouvons décemment pas être les complices. Thomas Sankara disait dans son discours d’Addis Abéba du 29 juillet 1987 « …la dette ne peut pas être remboursée. La dette ne peut pas être remboursée parce que d’abord si nous ne payons pas, nos bailleurs de fonds ne mourront pas. Soyons en surs. Par contre si nous payons, c’est nous qui allons mourir. ». C’était en 1987 et depuis ? Comment un pays peut-il dans ses conditions amorcer son développement économique afin de donner à manger aux siens, les aider à trouver du travail et relever la tête ? Notre goutte d’eau à nous parmi le vaste chantier aura été la création de forages. L’eau, source de vie, indispensable dans ses villages reculés et dispersés et partout où nous passerons demandée comme une priorité.

Le Burkina est l’un des pays les plus pauvres d’Afrique, il est suivant le dernier rapport mondial sur le développement humain publié en 2009, placé en 177ème position, sur 182 pays pour lesquels des données ont été recueillies. Son indice de développement humain est classé faible avec une propension à encore diminuer.
(A titre indicatif IDH des pays frontaliers : Niger : 182ème, Mali : 178ème, Bénin 161ème, Togo : 159ème, Ghana 152ème,…).

Le pays des hommes intègres, le pays du Burkina ou cette Afrique noire, qui évoque ce jeune corps de femme à la cambrure marquée, longiligne et élégante. Cette femme qui avec grâce porte son lourd fardeau sur la tête, le regard portant loin. Ici la femme est la première levée et la dernière couchée. De Ouagadougou, sa capitale, à Bobo Dioulasso en passant par Boromo et jusqu’à Banfora dans le sud ouest du pays, la réalité est bien moins poétique en ce pays pourtant si attachant. Une extrême gentillesse et une franche cordialité émanent de ses mains tendues qui vous saluent d’un « ça va, ça va bien ! ».
Dix jours pour s’imprégner de l’ambiance, des paysages, des couleurs, de la musique et des danses sans oublier la poussière ocre véritable nuage ambulant qui nous accompagnera tout au long de nos passages sur les pistes de latérite, couleur ocre.
Ouagadougou marquera la fin de notre séjour et nous y reviendrons avec un homme déjà évoqué plus haut et qui fut hautement important pour le développement du pays Thomas Sankara qui parce qu’il a « Osé inventer l’avenir » auquel chacun avait le droit de croire fut assassiné avec 12 de ses compagnons le 15 octobre 1987. C’est une route tracée à travers un « plat pays » que la sécheresse désole qui traverse de nombreux villages installés là. Toujours une main se lève pour vous saluer. La voiture s’arrête et les vendeurs ambulants, souvent des jeunes filles, vous proposent des fruits ou des galettes de mil riches en vitamines A, B, C jusqu’à Z nous disent-elles. Comment résister ? Quant à peine plus loin d’autres enfants essentiellement des garçons, une boite métallique autour du cou vous réclament avec des yeux qui révèlent une profonde tristesse quelque chose, pour vivre, pour manger …, de jeunes enfants laissés à la rue pour mendier et issus pour la plupart des écoles coraniques. Au fronton du local de l’association des mangeurs d’arachides de Bobo Dioulasso, cette phrase « Envoyer les enfants mendier n’est pas culture ou religion mais seulement exploitation ».

Bobo Dioulasso, la ville des Bobos et des Dioulas, seconde ville par son importance du Burkina Faso, considérée comme la capitale économique du pays, a été construite à l’origine autour du village de « Sya ». Cette partie historique de la ville datant du XIème siècle est divisée en quatre parties avec les animistes (laboureurs), les Bobos Dioulas (défenseurs), les Griots (messagers) et les Forgerons. Lieu de toutes les croyances où se mêlent l’âme et les esprits au passage des ruelles sacrées. La maison à palabres appelée Konsa ou maison mère réunit les anciens âgés de 50 à 60 ans (l’espérance de vie au Burkina est de 47 ans) afin qu’ils prennent leurs décisions sur un mariage, un baptême, un conflit familial… Les jeunes animistes, dès l’adolescence partent en brousse pour une véritable initiation qui les mènera à la connaissance des rites et divinités qui réglementent la vie de chaque village. L’animisme est la 1ère religion au Burkina.
L’entrelacs des ruelles étroites mène aussi à l’endroit ou frayent les silures sacrés, gros poissons chats, qui incarnent les ancêtres bobos. C’est là également que se déversent les eaux usées de la ville, que se lave le linge, que se baignent les enfants dans une eau boueuse et noirâtre, qui nous fait frémir. Comment est-ce possible ? Comment éviter les maladies dans de telles conditions ? Les croyances sont parfois un frein au progrès, des mesures d’assainissement ont bien été envisagées vite refusées par le conseil des griots. Les esprits n’y étaient pas favorables. Une espèce de cour des miracles ou l’on vous tend son bébé pour vous montrer comme il est beau et en effet les visages sont beaux, fins, expressifs habités par des yeux noirs étincelants.

A Bobo, de nombreux artisans travaillent l’ébène, le bronze. Des mains agiles manient avec précision le marteau et le couteau qui entaillent, modèlent et sculptent le bois noir et brillant qu’est l’ébène. Le résultat est surprenant. Ici tout se marchande « quel est ton prix ? ». A vous de voir et de savoir garder le juste équilibre. Le marchandage peut entraîner parfois des dérives et à trop vouloir le pratiquer, il se peut que l’on perde le sens de la réalité quotidienne. L’économie solidaire c’est aussi participer à une dynamique de valeur du travail effectué.

Bobo c’est aussi des énergies avec pour exemple la laiterie Kossam (lait en peulh) de l’ouest qui s’est développée par la seule volonté d’un homme sans aucune aide de l’état. Douze employés aujourd’hui, 16 éleveurs qui apportent leur lait quotidiennement. Alors bien sûr cet autodidacte (il a commencé à travailler à l’age de 10 ans) nous raconte comment il a débuté, dans son village d’abord, en empruntant le local de son oncle, le numéro de téléphone de son voisin pour mettre sur les étiquettes, en achetant à crédit son premier frigo et ainsi de suite, mais toujours en devant faire fabriquer de façon artisanale le matériel homologué aux normes en vigueur mais encore trop cher à l’achat pour son entreprise. Le yaourt fabriqué est très bon, par goût les burkinabé l’aiment sucré. Peu habitués encore à cette saveur, le marché ne peut que se développer si les conditions le permettent.

A Banfora, changement de paysage, l’eau apparaît et apporte ses bienfaits lorsqu’en mars la température avoisine allégrement les 35°. Région des cascades de Karfiguela, lieu touristique par excellence géré par l’Office National du Tourisme Burkinabé, c’est avec délectation que l’on se glisse sous l’eau de la rivière Comoé qui tombe en cascades, le long des formations de grès, et que l’on se prélasse dans de larges vasques naturelles. C’est dans cette région que l’on trouvera sur la route des plantations de cannes à sucre largement arrosées et gardées par hommes et armes qui obligent votre sourcil à un mouvement circonstancié, quant depuis des kilomètres nous ne rencontrons que sécheresse et terre aride. A qui profite cette abondance ? On nous parle de la société sucrière de la Camoé. Un article du 18 août 2009 paru sur le faso.net nous renseigne sur la société SOSUCO qui, installée au Burkina Faso dans la région de Banfora, était le 2ème employeur après l’état burkinabé avant sa privatisation en 1998. Depuis elle est devenue la SN SOSUCO (nouvelle société sucrière de la Camoé). L’actionnaire principal est un groupe dirigé par l’homme d’affaires milliardaire, le prince Aga Khan. Ce dernier, lors de la privatisation de l’entreprise, s’était engagé à moderniser la société et à ne licencier aucun travailleur. Ces promesses n’ont pas été tenues et le 11 août dernier, les organisations syndicales s’adressaient au premier ministre pour dénoncer cette situation. La modernisation annoncée se fait toujours attendre depuis plus de 10 ans, la vétusté des installations conduisent à un sous rendement. Depuis la privatisation, l’ensemble des travailleurs a vu ses conditions de vie et de travail se détériorer dramatiquement. Tous les acquis sociaux ont été progressivement supprimés et le droit syndical a été purement et simplement confisqué.

Un moment d’exotisme avec une promenade en pirogue sur le lac de Tengrela à la rencontre des hippopotames. La famille est là, le père, la mère et les enfants. De petites oreilles rondes à la surface de l’eau argentée à peine frémissante, se laissent deviner et désirer. C’est l’heure du spectacle, quant d’un mouvement brusque une large gueule ouverte déchire le voile scintillant et vous fait apprécier la distance raisonnable que le piroguier a tenue à respecter. Quelques chants rauques pour ne pas nous faire regretter d’être venus et de nouveau l’embarcation glisse jusqu’au rivage.
C’est à Sindou que nous entrons en pays Sénoufo qui s’étend sur les états de Côte d’Ivoire, du Burkina et du Mali. Les Sénoufo font partie des populations les plus anciennement installées sur le sol burkinabé.
Le site des Pics de Sindou offre une vision quelque peu surréaliste. Barrière de grès hérissée, façonnée par Dame Nature, semblant érigée là pour éviter toute intrusion. Son plateau de 5 kms de long et 1km de large, en limite du pays Dogon, abrite les vestiges du village ancien composé de cases rondes et carrées. Les rondes sont destinées aux femmes avec à leur entrée à droite une poterie contenant les fétiches protecteurs et à gauche celle des amulettes servant à repousser l’ennemi. Les cases des hommes quant à elles sont carrées à l’image de la terre qu’ils se représentent de la même forme. Elles renferment le fétiche protecteur de la famille. Les Sénoufo sont avant tout animistes et le site visité est aujourd’hui un lieu de rites.
En parcourant le plateau à 448 mètres d’altitude, l’on aperçoit en contrebas l’actuel village de Sindou « protégé par les esprits » avec 5200 habitants, il est la capitale du pays Sénoufo, se trouvant à une cinquantaine de kilomètres de la Côte d’Ivoire et une soixantaine du Mali. L’activité principale est ici l’agriculture avec le riz dont la croissance est facilitée par le grès, une roche poreuse qui absorbe l’eau et alimente la nappe phréatique, à cette culture s’associent celles du maïs et du mil largement plus répandues.
Notre guide nous parle alors de l’association « Terre des Enfants » dont il est président. Cette dernière agit en luttant contre la déscolarisation (le taux de scolarisation dans la région est de 27 %), en portant secours aux enfants défavorisés (elle accueille les enfants rescapés de Côte d’Ivoire, actuellement au nombre de 46. 8 enfants pour l’instant ont trouvé une famille d’accueil dans le village de Sindou, les autres sont pris en charge par l’association), en combattant le mariage forcé des jeunes filles, en luttant contre l’excision, en défendant les droits de l’enfant, en oeuvrant pour l’alimentation, l’habillement et avant tout pour la santé des enfants. La préoccupation au niveau sanitaire est l’approche des épidémies de méningite. Le vaccin coûte aux environs de 10 euros soit 6550 CFA. Un salaire moyen au Burkina se situe aux alentours de 20 à 30 euros (13100 à 19650 CFA).
Les campagnes de vaccination restent aléatoires et bien souvent l’épidémie s’est déjà propagée. Les enfants en sont les premières victimes.
Nous sentons au sein de l’association « Terre des enfants » une réelle volonté de s’organiser et de réussir avec par exemple la construction de cases permettant l’accueil du voyageur, et des revenus substantiels. Mais pour l’instant l’argent manque et l’aménagement reste en suspend. Au regard du rapport d’activités 2007-2008, était prévue la vaccination de155 enfants contre la méningite et la fièvre jaune. 20 enfants ont été vaccinés en fin d’exercice soit 12, 90 % de réalisation.
Les moyens financiers manquent et les partenaires sont sans cesse à renouveler et à sensibiliser.