L’association Per a Pace a réuni son assemblée générale, samedi 5 décembre 2015 à Ajaccio, qui en séance et à l’unanimité a adopté la motion suivante :

L’année 2015 est marquée, dans le Monde*, en Europe et en France par des attentats terroristes de grande ampleur, mais aussi par des milliers de morts parmi les réfugiés fuyant la guerre dans leur pays. Ces catastrophes laisseront indéniablement des cicatrices profondes dans le cœur des citoyens. Les attentats en début d’année contre le journal « Charlie Hebdo » et ceux perpétrés le 13novembre dernier à Paris, doivent interpeller nos consciences. Le pays a besoin plus que jamais d’échanges d’idées et de débats, de contre-pouvoirs pour garantir la démocratie.

La paix se construit par les rencontres, les échanges et le respect des cultures, la connaissance de l’autre dans ses différences. Pour l’association Per a Pace, c’est près de vingt-cinq ans de rencontres en Corse, mais aussi dans des régions du monde telles que : les Balkans, le Maghreb, l’Afrique Subsaharienne, l’Europe. Depuis 1992, 79 actions internationales ont été menées. La solidarité, les échanges culturels, le travail de mémoire, le développement durable et des séjours de tourisme solidaire sont des activités qui donnent du sens au travail de l’association et contribuent à créer une culture de la Paix. Avec de faibles moyens, ces actions sur le terrain aident les populations en difficulté à rester dans leur pays. Dans ce domaine, la communauté internationale est très peu active et les pays riches continuent, encore aujourd’hui, à piller les richesses de nombreux territoires, en particulier en Afrique. Depuis le début des années 90, avec la guerre qui s’est développée dans les Balkans et la barbarie en Algérie, Per a Pace a développé ses actions sur le thème de « Méditerranée Mer de Paix ». Aujourd’hui comme hier, nous considérons que la guerre n’est jamais une solution et qu’à « la force des armes, il faut substituer la force de la diplomatie, du dialogue et de la raison ». Les derniers évènements survenus à Paris montrent combien le chemin de la Paix est long et difficile.

Le soir même des attentats le mot « guerre » est prononcé et l’état d’urgence est décrété. Il sera prolongé par un vote du parlement. Ainsi, la restriction de nos libertés est promulguée. Per a Pace a immédiatement par un communiqué condamné ces actes inqualifiables. Comme tous, nous sommes heurtés, révoltés par ces atrocités, ces assassinats, ce terrorisme, cette haine qui se développe et qui s’amplifie. Il faut combattre avec vigueur, détermination et discernement cette monstruosité, cette atteinte à l’humanité. Nous ne devons, en aucun cas, céder à la peur. Nous devons faire front devant cette barbarie. Mais aussi, nous devons mener une réflexion sur les politiques internationales menées depuis plus de 30 ans. La politique de confrontation et de guerre entraine le monde au chaos. Ce n’est pas seulement en bombardant les positions des terroristes que l’on éradiquera le terrorisme qui se nourrit en grande partie de la misère et du dénuement presque total dans lesquels est plongée une partie de l’humanité.

La France prendrait une toute autre dimension si elle décidait d’interdire les ventes d’armes dans le monde. Malheureusement, notre pays est aujourd’hui placé 3ème au plan mondial, après les Etats Unis et la Russie ; entre 2014 et 2015, la vente d’armes de notre pays est passée de 8 à 15 milliards. Les guerres permettent aux marchands de canons de s’enrichir encore plus. Pour « gérer » les effets des attentats, on restreint nos libertés à coups d’empilement de textes législatifs. En matière de liberté, le pire est peut-être à venir. En effet, le Président de la République souhaite inscrire l’état d’urgence dans la Constitution, à travers un projet de loi « de protection de la Nation ». Entre autres, cette loi remet en cause les libertés fondamentales de réunion et de manifestation pour des motifs n’ayant rien à voir avec le « risque d’acte de terrorisme ». Dangereux et déjà-vu.

En 2001, au lendemain des attentats de New York, et pour protéger les américains, le gouvernement adopte à l’époque, « le Patriot Act ». Depuis cette date, les marchés de la sécurité et de l’armement se portent bien, les libertés individuelles et collectives sont restreintes et le terrorisme n’a jamais cessé de se développer. L’obsession sécuritaire n’est jamais bonne pour la démocratie. Le gouvernement français, au travers d’un communiqué, a informé le Conseil de l’Europe de la suspension de l’application de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Première entorse à l’article 11 du CEDH, l’interdiction des mobilisations citoyennes en marge de la COP 21. Malgré cela, des rassemblements ont eu lieu dans plusieurs villes de France. A Ajaccio, à l’appel de plusieurs associations, dont Per a Pace, 150 personnes ont formé une chaine humaine. Par leurs actes, les terroristes veulent détruire les valeurs universelles de liberté et d’humanité. Restreindre nos libertés, est une victoire pour les barbares et une faiblesse pour la démocratie. Le 22 juillet 2011 en Norvège, un terroriste, en deux attentats, tuait 77 personnes et en blessait 151. Le lendemain, le premier ministre de l’époque Jens Stoltenberg déclarait : « La Norvège répond à la violence par plus de démocratie, plus d’ouverture et une plus grande participation politique. » Lors de la conférence « Combattre le terrorisme pour l’humanité : conférence sur les racines du mal » le 22 septembre 2003, le secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies de l’époque, M. Kofi Annan tenait les propos suivants: « Les droits de l’homme ne peuvent être sacrifiés au profit de la lutte contre le terrorisme. Il n’y a rien d’incompatible entre la défense des droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme. Au contraire, le principe moral qui sous-tend les droits de l’homme, celui d’un profond respect pour la dignité de chaque individu, est une de nos armes les plus puissantes pour combattre le terrorisme. ». Propos toujours d’actualités.

Un vaste et nécessaire chantier doit s’ouvrir pour redonner sens à l’Organisation des Nations Unies. A sa création, en 1945, cinquante et un Etats la composaient. Aujourd’hui, l’ONU en compte cent quatre-vingt-treize. En soixante-dix ans de fonctionnement, le conseil de sécurité et son noyau dur ont joué un rôle bien éloigné des projets de paix durable. Le droit de véto, attribué aux seuls pays vainqueurs de la deuxième guerre mondiale, doit être aboli. Une utopie ? Théodore Monod disait « L’utopie ne signifie pas l’irréalisable, mais l’irréalisé. L’utopie d’hier peut devenir la réalité ».

Il est urgent de se rassembler le plus largement possible pour défendre les valeurs universelles de liberté et d’humanité car la démocratie est fragilisée. Tous, à notre niveau, nous pouvons et nous devons œuvrer dans ce sens.

 Ajaccio le 5 décembre 2015

* Afghanistan, Belgique, Cameroun, Egypte, France, Irak, Kenya, Liban, Mali, Nigeria, Pakistan, Palestine, Syrie, Tchad, Thaïlande, Tunisie, Turquie, Yémen …