Qui ne se souvient de l’explosion de haine et de violence au début des années 1990. Une guerre, au cœur de l’Europe, en Yougoslavie, « la poudrière des Balkans » pour reprendre une expression bien connue. Des dizaines de milliers de personnes y ont trouvé la mort, et des centaines de milliers de réfugiés se sont retrouvés sur les routes de l’exode. Les premiers migrants en masse en Europe depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et une catastrophe humanitaire. Cette grave situation, est aussi un soubresaut lié à l’effondrement du bloc, communément appelé « bloc de l’Est », et dont la destruction du « Mur de Berlin » en marque le symbole… Un système qui n’a pu résister à ses propres perversions et c’est ainsi, que nous sommes rentrés dans un monde politique unipolaire ou le capitalisme se tient pour triomphant.
La Yougoslavie a été démantelée sous la pression des pouvoirs nationalistes et sur ses décombres, plusieurs frontières ont été installées, matérialisant la naissance de plusieurs petites nations.
L’Europe politique en construction a laissé faire et la Yougoslavie a servi de laboratoire. L’OTAN[i] s’est trouvé une nouvelle vocation et l’occasion de marquer sa domination. Les accords de Dayton[ii] en 1995 ont entériné la fin de la Bosnie Multi-ethnique et la partition de celle-ci, tout en ouvrant de nouvelles brèches que la guerre du Kosovo quelques années plus tard refermeront, mais à quel prix.
Dans le pays voisin, en Albanie, Enver Hodja[iii] qui avait imposé au pays un isolement complet, une vie en presque autarcie décédait en 1985. Son remplaçant, Ramiz Alia ne résista pas à la pression populaire et au début des années 90 était chassé du pouvoir par Sali Berischa. « Une transition », ainsi était appelée la période qui devait s’ouvrir et qui 25 ans plus tard est encore à l’œuvre, malgré les alternances politiques de droite ou de « « gauche » qui se sont succédé.
Les populations des Balkans ont subi près de 10 années de guerres, de destructions et de privations. L’exode a été massif et encore aujourd’hui le solde de population reste négatif et continue encore de baisser.
Pourtant, à la fin des conflits et après tant de souffrances et de privations ces populations étaient plus que légitimes à espérer pouvoir vivre en paix et améliorer leurs conditions de vie. Mais qu’en est-il aujourd’hui?
Une situation relativement grave.
Depuis 1992, à l’occasion d’initiatives solidaires ou culturelles, j’ai eu l’occasion de séjourner à plusieurs reprises dans les Balkans. Au fil des ans, et de rencontres enrichissantes, j’ai pour ainsi dire vécu en direct, les évolutions politiques, les mutations économiques et sociales de ces 25 dernières années. J’ai constaté et aussi ressenti, tout à la fois les peurs, les espoirs, les illusions et aussi, les déceptions.
J’ai souvenir que les guerres et conflits se terminant, les populations espéraient retrouver un équilibre de vie, une certaine justice sociale et l’ébauche d’une démocratie. L’espoir était au rendez-vous, la volonté et les engagements aussi. Et s’il n’était plus possible de vivre ensemble (en tout cas pour les toutes nouvelles républiques Yougoslaves,) l’espoir du redémarrage de l’économie et de la paix, était dans toutes les têtes, tourner la page de la guerre et de ses atrocités. A la fin des années 90 et au début des années 2000, Les regards se tournaient vers l’Europe avec la volonté d’une vie meilleure. L’espérance était forte, les illusions probablement aussi.
Malheureusement en guise de réponse et dès le début, les nouvelles républiques issues du démembrement de l’ancienne Yougoslavie ont eu droit à l’explosion de politiques néolibérales, conduisant à un affaiblissement des services publics déjà bien mal en point, et à la privatisation de l’économie. En 25 ans, aucun secteur de la vie n’a été épargné et c’est ainsi que ces pays au fil des années, se sont trouvés confrontés à une très grave crise politique, un affaiblissement constant de population et de l’économie, une corruption massive et un taux de chômage très important.
Partout, la situation s’est peu à peu dégradée, et qu’il s’agisse de pays comme la Serbie, la Macédoine, la Bosnie dans les anciennes républiques Yougoslaves, ou encore de l’Albanie, les recettes imposées le plus souvent à marche forcée par les différents gouvernements ont un dénominateur commun: la privatisation de l’économie, portée par un capitalisme agressif et prédateur. J’ai vu s’affirmer l’écœurement et la colère.
Dans ce mauvais scénario, c’est malheureusement l’Europe politique d’inspiration libérale, qui dans le droit fil des orientations du FMI, de la BCE et de la Banque Mondiale, a donné et donne encore le tempo. En faisant miroiter l’adhésion à l’Union Européenne, elle impose aux populations de ces pays, une politique de récession et de régression sociale… Une austérité devenue pour beaucoup insupportable et aussi dangereuse pour la démocratie, avec la montée des populismes.
Cette situation n’est pas sans rappeler le cas de la Grèce. L’intransigeance de Bruxelles, de la Troïka et de ses technocrates européens à l’encontre de ce pays, pourtant intégré à l’U.E depuis plus de 30 ans et qui par référendum[iv] le 5 juillet 2015 rejetait majoritairement les politiques européennes, symboles de la faillite économique du pays et de la ruine pour de nombreux citoyens. On sait aujourd’hui, ce qu’il est advenu de ce vote et de la souveraineté de la Grèce. Il y a de fortes similitudes dans la situation de tous ces pays, elles dépassent les frontières. N’avançons nous pas vers un désastre[v] ?
Le pire n’est-il pas déjà en train de l’emporter ?
Ce qui est très inquiétant, c’est que la situation des Balkans nous montre aujourd’hui que tous les dangers sont possibles, « que tout est possible dans ce monde en décomposition, le meilleur comme le pire ». Patrice Leclerc maire de Gennevilliers, analysait il y a quelques jours sur Mediapart[vi], la situation politique de la France. J’ai trouvé cette analyse pertinente et il m’a semblé utile d’en faire un parallèle avec les Balkans. «Le pire » disait-il, « semble pour l’instant avoir plus de raison de gagner. La politique du gouvernement (français) désespère le peuple, droitise le débat public, faisant perdre tous les repères à la gauche mais aussi à une droite qui fait la course avec l’extrême droite ». Et d’ajouter, « Il n’y a plus d’aventure humaine vers un monde meilleur ». C’est je crois, ce qui se passe déjà, dans cette région des Balkans, en sachant que le capitalisme dans ces pays est bien plus débridé et que l’impact sur les populations est bien plus fort et destructeur, que sur un pays comme la France qui a une autre histoire et d’autres traditions démocratiques. Économiquement plus faibles, ces pays ont aussi à se relever de plusieurs années de guerres et de conflits…
Comment aujourd’hui ces républiques vont-elles s’en sortir, le pire n’est-il pas déjà en train de l’emporter ?
Le marxisme ne nous enseigne-t-il pas que « l’idéal ne survit que par la promesse dont il est porteur… » Le danger n’est donc pas seulement que les espérances soient déçues dans la réalité. La perte de l’espoir, l’absence de débouchés peut conduire au pire.
Dans les Balkans, le face à face dangereux entre néolibéralisme et national populisme est déjà bien engagé. Et pourtant celui-ci ne peut représenter une alternative envisageable au système capitaliste.
Disant tout cela, je ne voudrais pas donner le sentiment de noircir le tableau, il y a aussi et heureusement, des mouvements sociaux, des mobilisations, des rassemblements, des manifestations. Partout des gens résistent et luttent pour se défendre, mais aussi pour une autre politique.
Mais le constat, montre que rares sont les mobilisations victorieuses aujourd’hui, ce qui rend difficile, d’imaginer des perspectives progressistes.
En tout cas elles ne sont pas suffisamment identifiées, palpables, visibles, pour représenter une alternative crédible, une alternative au capitalisme.
Partout, quel que soit le pays et la couleur politique, les recettes restent les mêmes et pour étayer mon propos je voudrais prendre quelques exemples et montrer comment les gouvernants jouent la carte de la fermeté, parfois de la répression, pour aboutir à l’essoufflement des luttes et actions. Un dialogue de sourd en quelque sorte, toujours ou presque dans le même sens.
En Serbie, la situation est tendue
A Belgrade,[vii] en Serbie, à la fin de l’année 2014, j’ai croisé des étudiants de la faculté de philosophie qui protestaient et occupaient leurs locaux pour manifester leur opposition aux mesures de restrictions budgétaires, imposées par le gouvernement de centre droit nationaliste. Cela fait plusieurs années que les étudiants se plaignent, car il faut savoir que la baisse des budgets des facultés a conduit à une hausse faramineuse des frais d’inscriptions, qui se situent approximativement à 1000 euros aujourd’hui.
Dans ces conditions et quand on est issu d’une famille modeste, (le salaire mensuel moyen se situe à environ 300 euros dans le pays), il devient presque impossible de faire des études. Cette situation très mal vécue par les étudiants, se télescope avec l’histoire du pays, celle de l’ancienne Yougoslavie, où la question de l’éducation était primordiale et gratuite, tout comme la santé.
En octobre 2014 et aux abords de l’université, des banderoles et des affiches appellent à la solidarité étudiante, mais aussi la solidarité du monde du travail. Une volonté de passerelle entre ces deux mondes pour tenter de s’en sortir et trouver une issue progressiste à un conflit qui s’enlise.
Le pouvoir patient, (comme en France avec la loi sur le travail) vise le « pourrissement et la fin du conflit », ce qui ne manqua pas d’arriver.
Mais cette austérité imposée en Serbie, n’a pas seulement été le lot des étudiants. Ces deux dernières années, les retraites et les salaires ont sérieusement été amputés (comme en Grèce) et le chômage s’est très largement développé. J’ai rencontré des retraités au bord de l’asphyxie et parfois du désespoir.
Il faut dire que l’Union Européenne et le FMI ne sont pas étrangers aux directives de déréglementation en particulier des universités serbes (mais pas seulement) qui ont pris modèles sur les politiques européennes en la matière. Certaines « mauvaises langues », y voient la volonté des dirigeants politiques du pays de se rapprocher de l’union européenne et ainsi accélérer l’intégration du pays dans l’ensemble politique libéral européen.
Enfin et ce qui caractérise aussi la situation de la Serbie, c’est que la situation politique est très tendue aujourd’hui avec ses voisins et notamment la Croatie.
En Macédoine, La révolution des couleurs
En Macédoine, autre petit pays d’un peu plus de 2 millions d’habitants et situé au sud de la Serbie, la situation n’est pas plus florissante. Anciennement république Yougoslave, elle a acquis son indépendance en 1991 à la suite du démembrement de celle-ci. Cette petite république, la plus pauvre de l’ancienne Yougoslavie se cherche encore 25 ans après son indépendance.
Toujours en conflit larvé avec sa voisine du sud, la Grèce pour la reconnaissance de son nom, elle n’entretient pas forcément de bons rapports avec l’Albanie avec qui elle partage sa frontière sur la partie ouest. Il faut dire aussi que les problèmes sont récurrents avec la forte communauté albanophone du pays. On se souvient des événements dramatiques du 9 mai 2015 à Kumanovo où 22 personnes ont été tuées dans des affrontements avec la police. En toile de fond, une grave crise politique et la résurgence de problèmes inter ethniques.
En Macédoine, aujourd’hui le torchon brule entre l’opposition, la population et le régime du président Ivanov. Un régime mégalomane et dont la capitale Skopje en offre la parfaite illustration avec la construction ces derniers années de statues monumentales en son cœur historique. Un « gaspillage financier » pour beaucoup de Macédoniens mais aussi « une aberration historique et culturelle ».
Depuis plusieurs mois déjà, les manifestations contre le gouvernement se multiplient, et ciblent la coalition des partis ultra-nationalistes et de leur politique capitaliste, ultralibérale.
Le pouvoir de Skopje qui avait prévu des élections législatives le 5 juin dernier a dû les reporter à une date ultérieure sous la pression très forte de la volonté populaire et des manifestations.
A Skopje les manifestants ont inventé une nouvelle façon de s’exprimer. Les bâtiments publics sont devenus multicolores par le jet de sachets plastiques remplis de peinture, en quelque sorte une belle innovation militante et appelée « la révolution des couleurs ».
Le pays est confronté à une très grave crise économique et sociale, mais aussi à une corruption massive, ce qui amène une perte de confiance des populations et un départ massif des jeunes et notamment des plus diplômés. Tous ceux que nous avons rencontrés au cours de ce mois de juin 2016[viii] à Skopje ou à Bitola les deux principales villes du pays ont insisté sur ce fait. Il n’y a « pas d’avenir en Macédoine et la démocratie n’existe pas ». A partir de ce constat, on peut se dire que toutes les aventures sont possibles lorsqu’un peuple perd espoir…
Bosnie, une situation politique chaotique
En Bosnie, petit pays de 3,8 millions d’habitants, la situation politique reste très chaotique. Durant la guerre qui l’a ravagée de 1991 à 1995, plus de la moitié de la population a été déplacée et la Bosnie actuelle, qui a perdu près de 20% de sa population ne ressemble pas à la Bosnie multi-ethnique, multiculturelle d’avant-guerre.
Aujourd’hui encore, l’incapacité du pouvoir à répondre à un appauvrissement croissant de la population (près d’une personne sur deux au chômage), a provoqué en 2014 de puissantes manifestations avec un déferlement de « violence inconnu dans le pays depuis la guerre des années 1990 ». Des édifices publics, symboles du pouvoir ont été incendiés. Cette situation traduit un profond malaise, un fort mécontentement et surtout une colère accumulée au cours des dernières années. Une sorte de désespoir pour les jeunes notamment qui aspirent à une autre vie et qui pour beaucoup, se trouvent sous le seuil de pauvreté.
De grandes villes comme Sarajevo, Mostar… révèlent encore aujourd’hui plus de 25 ans après, sur les façades de certains immeubles les traces de balles ou canons de mortiers, alors que dans les campagnes, des villages et maisons d’habitations détruites sont encore le témoignage de ce passé douloureux. En Bosnie, il n’est pas rare de voir sur le bas-côté de certaines routes rurales, de petits panneaux indiquant que le danger existe, que le territoire est encore miné. Dans ces conditions comment ne pas comprendre le sentiment d’immobilisme et surtout d’amertume de certaines catégories de population, regrettant le temps de l’ancienne Yougoslavie. Il y a une certaine nostalgie de se passé pas si lointain.
Il faut dire aussi que le partage du territoire suite aux accords de Dayton pour mettre fin à la guerre a complexifié par la multitude d’élus « intercommunautaires » la gestion du pays. La situation est très tendue aujourd’hui et après le rattachement de la Crimée à la Russie et le référendum écossais sur l’indépendance, le président de la Républika Srpska, Milorad Dodik, ne cesse d’évoquer le droit des Serbes de cette entité à la scission[ix] de la Bosnie-Herzégovine ». C’est ainsi que le 25 septembre prochain[x] il organise un référendum sur le thème : « Approuvez-vous que la journée de la Republika Srpska soit marquée et célébrée le 9 janvier? ». Vu le contexte, et surtout le refus des autres composantes (bosniaque et croate) il n’est pas interdit de penser qu’en fonction du résultat, l’épineuse question de l’indépendance peut revenir sur le devant de la scène. Un bras de fer est ainsi engagé et le risque d’un nouvel éclatement nationaliste.
Dans ces conditions, il n’est pas surprenant, que de nombreuses personnes que nous avons rencontrés lors de notre passage en Bosnie se disent blasées, fatiguées et surtout nostalgiques d’un certain passé, de ce que pouvait représenter à l’époque, « un grand pays comme la Yougoslavie »…
En Albanie, néolibéralisme et privatisations
En Albanie « le pays des aigles » la chute du système politique mis en place par Enver Hoxha dans les années 90 n’a pas permis l’émergence d’une société nouvelle. Celle-ci est restée prisonnière et engluée dans les réformes économiques néolibérales privatisant tout sur le passage. Au milieu de la décennie 90, sous le règne de Sami Berisha, Président de la République de droite, le scandale des sociétés pyramidales, établissements bancaires véreux a mis le « feu aux poudre ». Des milliers d’épargnants ont ainsi été ruinés ce qui a déclenché une situation de guerre civile dans le pays, assorti d’un exode massif des Albanais, qui par dizaines de milliers ont tenté la traversée du bras de mer pour rejoindre l’Italie. Depuis, cette date, « Des entreprises, des usines, des fabriques et secteurs publics importants ont été laissés à la dérive, comme pour montrer qu’ils étaient inefficaces et que la seule solution magique résidait dans leur privatisation » témoigneront de jeunes Albanais rencontrés à Tirana. Cette pratique continue encore aujourd’hui de plus belle, au gré des alternances politiques « de droite » ou de « gauche libérale ».
En Albanie, le pouvoir se partage entre ces deux composantes ou blocs politiques, mais les orientations se rejoignent et restent les mêmes. Les privatisations vont bon train, y compris dans les universités, à partir du début des années 2000, alors que le parti socialiste était revenu au pouvoir. L’exemple des universités est intéressant, car il montre que, quel que soit le pouvoir en place les réformes restent influencées et portées par des logiques ultralibérales, chacun y allant de sa surenchère.
Dès son retour au pouvoir comme premier ministre en 2005 et ce jusqu’en 2013, l’homme politique de droite Sami Berisha n’aura de cesse que de tenter de démanteler un peu plus les universités publiques.
Après deux tentatives pour adopter une « réforme » et grâce à la résistance et la combativité des étudiants et des universitaires, le gouvernement « Berisha » n’y parviendra pas.
Battu en 2013 aux élections et alors que les étudiants pensaient l’affaire réglée, c’est le socialiste Edi Rama nouveau premier ministre qui reprendra le flambeau du démantèlement des services publics et des privatisations. A cette vague ne pouvait échapper l’enseignement supérieur, la privatisation de l’université publique et l’augmentation extrême des tarifs. Le « Mouvement pour l’Université » regroupant, étudiants et professeurs a combattu cette nouvelle tentative de réforme en organisant de nombreuses tables d’information et de discussion, mais aussi des dizaines de manifestations et actions symboliques à travers le pays pour tenter de s’opposer au projet. Malheureusement, au grand regret des étudiants, « il a été approuvé au Parlement, par une chaude nuit d’août ».
Malgré ce coup dur, le « Mouvement pour l’Université » n’a pas cessé son combat « pour une éducation publique de qualité et gratuite, comme un droit fondamental dans une société juste ». Aujourd’hui en Albanie, des étudiants (5 filles et 3 garçons) sont poursuivis par la justice et risquent de fortes amendes ou peines de prisons. Malgré ce contexte et les dangers, ils restent mobilisés et continuent à réclamer l’abrogation de cette loi. Cela n’est pas sans rappeler ce qui se passe en France aussi pour l’abrogation de la « loi travail » une loi anti sociale et dangereuse.
Rompre avec l’esprit de capitulation.
Dans toutes les républiques des Balkans, la paupérisation des populations est déjà bien entamée et la démocratie reste un leurre. Le jeu est dangereux entre le néolibéralisme et le national populisme et aujourd’hui encore, cette région continue de jouer un rôle de laboratoire.
Le néolibéralisme flatte les identités et pousse au morcèlement du territoire. Diviser pour mieux régner, voilà la devise.
L’enseignement qu’il nous faut tirer de la situation des Balkans, c’est que plus le territoire est morcelé et moins s’exerce la souveraineté populaire. En contrepartie, plus on morcèle le territoire et plus s’affirme le centralisme. Voilà un des paradoxes des nationalismes.
Comment comprendre autrement les politiques actuelles, ou partout s’exercent les mêmes recettes anti sociales, des recettes imposées par le système capitaliste, la mondialisation financière : privatisation de l’économie, démantèlement des services publics et des statuts de personnels, austérité pour le plus grand nombre… Le politique et les pouvoirs locaux ont de moins en moins de prise sur le réel.
Cette situation politique nous l’avons vu n’est pas seulement l’apanage de la droite et des nationalismes, les « gauches » au pouvoir dans les Balkans en usent et en abusent, alors que partout en Europe et en France avec Hollande et Valls, les « gauches au pouvoir » ont adopté (et depuis longtemps déjà), les thèses libérales avec toutes les conséquences néfastes pour les droits, les acquis et plus généralement pour les populations.
Bien sûr, la France ce n’est pas la Bosnie, l’Albanie, la Macédoine ou la Serbie, les traditions, les modes de vie et les expériences de luttes sont différentes, mais les mécanismes de la crise ont la même origine.
Pour l’historien Roger Martelli[xi], il faut « rompre avec l’esprit de capitulation, c’est là que se situe le problème fondamental et il ne date pas d’hier. La gauche ne pourra retrouver son alan que sur la base d’une rupture ». L’enracinement du « national populisme » dans les Balkans ne vient-il pas de cette absence de rupture ? La force du FN en France ne réside-t-elle pas dans la désespérance sociale ?
[i] Dans les années 94/95 avec la guerre en BOSNIE, l’OTAN se veut être le bras armé de l’ONU ; Avec celle du KOSOVO en 1999, l’OTAN se passera de toute autorisation de l’ONU pour déclencher la guerre. Un nouveau pallier dans le rôle de l’OTAN venait d’être franchi.
[ii] Les accords de Dayton pour la partition de la Bosnie Herzégovine ont été négociés du 1er au 21 novembre 1995 sur une base aérienne aux états Unis en présence des Présidents de la Serbie, de la Croatie et de la Bosnie. Ils ont été signés à Paris le 14 décembre de la même année.
[iii] Enver Hodja né le 16 octobre 1908 et décédé le 11 avril 1985 à Tirana. Il avait choisi Ramiz Alia pour lui succéder à la tête de pays à partir de 1983. Celui-ci lui succèdera aussi comme secrétaire du parti à sa mort. Au début des années 1990, sous la pression populaire Ramiz Alia autorisera le multipartisme, mais en 1993 Sali Berischa prendra les rênes du pays.
[iv] Le 5 juillet 2015 les électeurs Grecs rejetaient à plus de 61% par référendum les « propositions » formulées par la Troïka et les responsables européens.
Mais peut-être faut-il comprendre la nouvelle tragédie grecque à la lumière des propos de Jean-Claude Juncker, « Les choix démocratiques ne peuvent aller à l’encontre des traités européens ». Chacun ou presque s’accorde à dire que ce qui se passe en Grèce aujourd’hui révèle une crise majeure en Europe. Certainement aussi une crise de la démocratie. http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/grece-et-maintenant-170208
[v] N’avançons nous pas vers un désastre ? http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/nous-avancons-vers-un-desastre-176196
[vi] Contribution au débat pour les élections présidentielles en France https://blogs.mediapart.fr/patrice–leclerc
[vii] A Belgrade dans le cadre d’une tournée culturelle avec Théâtre Point et l’association Per a Pace sur un projet autour de la mémoire de la guerre de 14/18, et en particulier sur le Front d’Orient et les relations à l’époque entre la Corse et les Balkans.
[viii] C’est l’association Per a Pace qui avait organisé un séjour solidaire avec 13 personnes entre le 4 et le 20 juin de cette année. Un périple à travers les Balkans (Serbie, Macédoine, Albanie, Monténégro, Croatie et Bosnie.)
[ix] http://www.courrierinternational.com/article/2014/09/25/les-serbes-de-bosnie-revent-d-independance
[x] Voir l’article sur http://www.justiceinfo.net/fr/component/k2/28424-.html Les Serbes de Bosnie organisent un référendum sur la date de la fête nationale.
[xi] Roger Martelli est historien, et co-directeur de la revue Regards. Article « les désillusions de l’union. A propos de Christiane Taubira » www.regards.fr par Roger Martelli 13 septembre 2013.