L’air du temps est aux idées nauséabondes. La culture de la haine se développe et se propage rapidement. Aujourd’hui, la raison de vivre est de combattre les gens fuyant l’oppression, la misère, la guerre. On élève des murs avec les mots et quand les mots ne suffisent plus, on passe de la parole à l’acte en construisant des Kms de barrières de barbelés. Et puis, rien n’arrête l’espoir d’une vie meilleure même si les routes de l’exode sont meurtrières. Des familles entières sont englouties dans les eaux de la Manche et en mer Méditerranée et avec eux ce qu’il reste de notre humanité. Le 11 novembre (tout un symbole), sur un plateau de télévision (1), un journaliste pose la question « Faut-il laisser les migrants mourir de froid ? ». Réponse spontanée de l’invité « bien sûr que oui ! ». Ce genre de « dérapage » occupe depuis maintenant plusieurs années l’espace médiatique et trouve des récepteurs dans la société. Décomplexés, les promoteurs de la xénophobie, du racisme, de la stigmatisation, de la haine, du grand remplacement et du choc des civilisations exploitent le mal vivre. Le responsable de tous nos maux serait le migrant. Il est, en effet, plus facile et « courageux » de s’attaquer aux plus faibles qu’à ce système économique, destructeur du vivant. La vie chère, les fins de mois difficiles, le chômage, l’effondrement de notre système de santé, de notre système éducatif, le monde culturel au plus mal, le dérèglement climatique etc., tous ces maux seraient dus aux migrants
Où est passée notre humanité ?
A Riace, dans le sud de l’Italie, son ancien maire Domino Lucano (2), dit Mimmo risque treize ans de prison pour avoir accueilli des migrants. En Grèce, 24 humanitaires (3), pour avoir participés à des opérations de sauvetages de migrants en Mer Egée risquent entre huit et vingt ans de prison. En 2016, l’agriculteur Cédric Herrou (4) a été arrêté pour avoir aidé plus de 150 migrants au passage à la frontière franco-italienne. La solidarité est criminalisée, les exemples ne manquent pas. La solidarité, un mot de moins en moins utilisé car hors la loi, celui qui fait preuve de solidarité doit répondre de ses actes devant un tribunal. La solidarité ne doit pas « se penser ».
Au mois de juin dernier, lors d’une action solidaire avec l’association Per a Pace dans les camps de réfugiés Kurdes de Lavrio, nous avions rencontrés ces migrants. Ces personnes avaient combattu et vaincu Daesh avant d’être abandonnées par la communauté internationale, et ainsi être livrées à la répression sanglante d’Erdogan. Pas une des personnes rencontrées n’avaient été épargnées, tous avaient eu des drames dans leurs familles. Obligés de fuir leur village sous peine de mort ou d’emprisonnement. Que ferions-nous à leur place ? Ces gens que nous avions rencontrés étaient des frères et sœurs des « noyés » dans la Manche ou mourant de froid à la frontière Biélorusse et Polonaise. La veille de notre départ, une soirée avait été organisée au cours de laquelle des échanges se sont instaurés. Une personne prit la parole et se présenta comme le père dont le fils était mort au combat. Il termina son intervention par cette phrase « La solidarité donne du sens à l’humanité. »
(1) Le porte-parole du Rassemblement national était l’invité de BFM-TV, ce jeudi 11 novembre. Il était interrogé par Olivier
(2) Charlie Hebdo.fr Antonio Fischetti – Mis en ligne le 12 novembre 2021 · Paru dans l’édition 1529 du 10 novembre.
(3) Le Monde du 22 novembre 2021 par Marina Rafenberg (Athènes, correspondance).
(4) Symbole de l’aide aux migrants en France, Cédric Herrou relaxé définitivement. Le militant était poursuivi pour avoir convoyé des migrants venus d’Italie et organisé un camp d’accueil en 2016. Le Monde avec AFP. Publié le 31 mars 2021.
Ce texte est, malheureusement, très juste et réaliste. Notre monde va à la catastrophe dans une indifférence aussi irresponsable que criminelle.
je pense à la joie suscitée par la chute du mur de Berlin, comment accepter aujourdhui cette folie de constructions de murs?
L’ enfermement, l’isolement, c’est ce que nous voulons pour nos enfants? Quelle hypocrisie chez ceux qui se gargarisent des racines chrétiennes de la France et laissent mourir les migrants!quelle image ont-ils de la petite famille qui n’a trouvé refuge
que dans une étable à Bethléem?
Francis Vallat, président de SOS Médirerranée a écrit: »Un jour, on se souviendra avec honte qu’en France au XXIe siècle on a criminalisé ce geste élémentaire d’ humanité: la solidarité.