Une conférence pour la paix
Avant propos :
En novembre 1992, dans une Yougoslavie en pleine débâcle, « l’Assemblée Européenne des Citoyens » organisait à Ohrid, ville macédonienne au sud de la Yougoslavie, sur la frontière albanaise, une conférence internationale pour la Paix dans les Balkans.
« L’Assemblée Européenne des Citoyens » est un réseau de mouvements sociaux et d’initiatives civiques, désireux de construire par la base l’intégration européenne.
350 représentants de mouvements de citoyens et 250 des collectivités locales de Yougoslavie mais aussi de toute l’Europe orientale et occidentale, participaient à cette initiative. Pour la Corse, Jacques Casamarta, militant associatif et conseiller municipal d’Ajaccio ainsi que Laetitia Posati, conseillère municipale, participaient à cette initiative. Ils étaient porteurs de messages de paix émanant des maires des communes d’Ajaccio, Sartène et Bonifacio.
Ohrid : du 5 au 8 novembre 1992 :
Cette conférence fut assez révélatrice de la situation dans l’ancienne Yougoslavie et en particulier dans la république de la Bosnie Herzégovine. La peur, l’incompréhension, le désarroi étaient de mise. Les différents intervenants, notamment ceux issus de l’ancienne Yougoslavie traduisaient ces sentiments.
Les interrogations étaient dans toutes les têtes et revenaient avec insistance. Pourquoi un tel déferlement de violence, une telle haine ? Des populations civiles, des enfants, des vieillards massacrés ?
Tous les participants à Ohrid étaient unanimes pour condamner les politiques nationalistes chauvines mises en oeuvre par les dirigeants.
Des propos accablants :
La région des Balkans a une histoire contrastée et tumultueuse. Plusieurs intervenants insistaient sur l’idée que chacun peut s’appuyer sur l’histoire pour trouver de bonnes raisons de faire la guerre à son voisin, et qu’il importait de poser différemment la question.
Une enseignante de Sarajevo, témoignait sur l’atrocité de la guerre dans cette ville et plus particulièrement en Bosnie. « Avant la guerre, 4,5 millions personnes vivaient dans ce petit pays. Ces gens vivaient en harmonie et l’appartenance ethnique de chacun n’était pas un problème. Le basculement a été rapide. Aujourd’hui le seul chiffre fiable que nous puissions donner concerne la population qui a quitté le pays, 1,7 millions personnes. Sur les morts, c’est très difficile à dire, on découvre des charniers tous les jours. » En fait, disait-elle « en Bosnie les droits de l’homme ne sont respectés dans aucun des territoires, qu’il soit Serbe, Croate, ou Bosniaque. Le droit tout simplement de survivre n’est garanti nulle part et les gens qui se battent sont bien souvent des gens qu’on a forcé à se battre. »
En 1992 déjà, peu de temps après le début des conflits, l’Europe officielle, la communauté internationale, connaissaient l’étendue des atrocités commises en Bosnie, au nom d’idéologies assassines.
Pour une citoyenneté garante des droits :
Dans leur document final, les délégués à la conférence proposaient de construire la coopération des uns et des autres, autour de valeurs communes de la démocratie, de la tolérance et de la paix.
Ils appelaient toutes les nations démocratiques, l’opinion publique à condamner les politiques nationalistes mises en oeuvre après la chute du bloc de l’Est par des politiciens, souvent anciens membres de structures totalitaires de pouvoir, qui avaient recours à la démagogie sociale.
Ils affirmaient comme une valeur incontournable et universelle « l’importance du droit à la citoyenneté, comme garantie des droits des majorités, comme de celui des minorités ».
Ils proposaient aussi de refuser catégoriquement « les principes nationalistes chauvins qui excluent les minorités et produisent le militarisme ethnique et les génocides ».
La paix étant l’idée centrale, sans quoi, rien de positif ne peut se développer. De nombreux projets ont été discutés sur la « défense des minorités, le droit des personnes, l’aide humanitaire, les activités multiculturelles, les échanges syndicaux, et l’implication citoyenne dans la résolution des conflits dans les Balkans ».
Initiatives de solidarité :
Dans un appel adressé à la communauté internationale, il était demandé qu’elle s’investisse fortement pour le « rétablissement de la vie normale, la disparition de l’atmosphère de peur, la possibilité pour les réfugiés de retourner en sécurité chez eux ».
Ces dispositions impliquaient pour les mettre en oeuvre une démilitarisation, la restauration de la justice, et une administration impartiale sous l’égide de l’ONU.
De retour en Corse, de nombreuses initiatives d’informations seront prises. Plus de 6000 citoyens insulaires signeront une pétition pour la Paix qui sera expédiée aux instances internationales (ONU, CSCE, Présidence de la République). Quelques sept mois plus tard la première action solidaire aura lieu au mois de juin 1993, qui permettra d’acheminer des médicaments et du matériel médical en direction d’un hôpital dans le sud de l’ancienne Yougoslavie.